"Muter m'intéresse, évoluer non.", F.J. Ossang, Dharma Guns
Du cinéma sur des écrans de cinéma, ce n'est pas si fréquent. F.J. Ossang revient avec Dharma Guns (La succession Starkov). Devant nos yeux, un monde lointain et proche.
Lors de ma dernière visite sur le site du groupe afin d'y découvrir la programmation, j'ai eu la bonne surprise de tomber sur un nom dont je n'avais pas de nouvelles depuis des années. La surprise était d'autant plus agréable qu'il ne s'agissait pas d'un avis de décès.
F.J. OSSANG avait réalisé un nouveau film et celui-ci arrivait sur nos écrans. Sans plus réfléchir je me suis rendu au MK2 Beaubourg pour y découvrir le nouveau film du réalisateur du Trésor des Iles Chiennes.
Voir un film lors de sa première semaine d'exploitation en salle ne m'était plus arrivé depuis des années. Dharma Guns a réussit cet exploit.
Dharma Guns. Quoi d'autre ?
Le film attaque avec un court moment de couleur, puis vire délicatement au noir et blanc. Lorsque survient l'accident, le spectateur que je suis se retrouve en territoire connu, celui que j'avais découvert en 1990 avec Le Trésor des îles chiennes. Des ambulanciers retrouvent le corps du skieur, Stan (visage de poète), et le transportent jusqu'à leur véhicule, une ambulance qui doit avoir une cinquantaine d'années. La pluie a remplacé l'éclatant soleil de l'ouverture.
On retrouvera Stan plus tard dans un décors étonnant pour la signature de la succession Starkov. Puis la caméra suivra les routes sinueuses des Açores où le film a été tourné. Des ouvertures d'iris, de fantastiques rivages escarpés, des villas inquiétantes, un docteur qui ne l'est pas moins (mais qui ne s'appelle pas Mabuse), des docks, des hangars, autant d’éléments qui s'impriment sur la pellicule qui se charge parfois d'or, de rouge ou de bleu dans des plans d'une beauté incroyable, littéralement extatique. Ai-je rêvé la séquence du bain ? Chaque plan incarne un désir de cinéma.
Territoire connu donc, pour qui a déjà fréquenté le cinéma d’Ossang. Mais connu pour être un territoire dans lequel on se perd. Chaque plan y incarne un désir de cinéma. L’abrupte légèreté de cet enchainement d'images et de sons délivre des signes, des sensations dont le sens peine à se former à l'esprit. Lumière - Pellicule - Écran : IMPRESSION de "déjà-vu". Cette beauté, cette menace, cet amour, ces Dharma Guns, nous croyons les reconnaitre, ils ne nous sont pas complètement étrangers. Mais d'où vient cette idée?
Négatif - Positif
Je ne connaissais rien de F.J. Ossang lorsque j'ai vu Le Trésor des Iles Chiennes, et je n'en sais pas beaucoup plus aujourd'hui, encore que je me suis un peu documenté de puis une semaine. Mais lorsque je suis allé voir Dharma Guns, j'avais oublié jusqu'à l'existence d'Ossang. Pourquoi donc m'être précipité dans la salle de cinéma qui le projetait ? Ossang, le nom est déjà une invitation, et c'est une invitation au voyage. L'expression est un cliché absolu mais peut-on faire autrement que d'en user si l'on veut comprendre ce qui se joue sur l'écran une fois entré dans l'ambulance avec Stan.
Songez qu'en entrant dans l'univers de Dharma Guns, vous abandonnez un monde aujourd'hui en guerre et en prise à une menace nucléaire (et j'oublie les hackers). Si cette guerre est humanitaire et si l'énergie nucléaire est sans danger (puisque les fumées radioactives de Fukushima le sont) c'est parce que cette lecture du monde est un négatif. Le positif se trouve sur la pellicule de Dharma Guns.
P.S. La phrase qui tue n'est pas dans le film, elle est tirée d'une interview de F.J. Ossang. C'est drôle, et totalement en phase avec le film. En exergue, j'ai hésité à mettre une autre phrase tirée du film :"L’homme qui songe est un dieu, celui qui pense un mendiant". Cette phrase est tirée d'Hypérion ou l’Ermite de Grèce, ouvrage du poète allemand Friedrich Hölderlin qu'il me faudra bien lire un jour puisqu'il apparaît également dans Le Dernier Plongeon de Monteiro.